Comment fabrique-t-on un anti-venin?

125000!  C’est le nombre de morts par an par envenimation de venin de serpent dans le monde. Le scorpion quant à lui, tue entre 50 et 100 personnes/an rien qu’en Algérie. Ces chiffres soulèvent un véritable problème de santé publique. Malheureusement, l’anti-venin n’est pas accessible partout, et c’est souvent les pays les plus pauvres qui sont le plus durement touchés par ces statistiques.

Un peu d’histoire

Les premiers travaux de recherche antivenimeux sont présentés à la société de biologie en 1894 par deux français: Césaire Phisalix et Gabriel Bertrand. Un médecin et bactériologiste français, Albert Calmette va créé en 1895 le premier sérum antivenimeux pour traiter une morsure de cobra indien. On lui doit aussi une forte contribution dans l’élaboration du vaccin anti-tuberculeux BCG. Le docteur Calmette pense alors avoir découvert un sérum universel sur toutes les morsures de serpents, ce qui sera contre-prouvé quelques années plus tard par le docteur brésilien Vital Brazil: pour lui aucun doute, il faut un anti-venin pour quasiment chaque espèce venimeuse.

damien lecouvey herpetologue français

Comment fabrique-t-on un anti-venin?

L’élaboration d’un anti-venin pourrait presque paraître simple: un échantillon de venin prélevé sur l’animal va être dilué puis injecté à un mammifère, souvent un cheval.  Ce dernier va produire des anticorps que l’on va pouvoir prélever pour les ré-injecter à l’homme.

Pourquoi utilise-t-on un en général un cheval?

L’équidé supporte bien les prélèvements sanguins,même massifs. Bien que l’on pourrait utiliser n’importe quel gros mammifère, ce mode de fabrication paraît aujourd’hui dépassé  car cela soulève la notion du bien être animal.damien lecouvey herpetologue

Existe-t-il plusieurs types d’anti-venin?

On retrouve 2 types d’anti-venin:

  • Les monovalents: agissent sur un seul type d’espèce venimeuse
  • Les polyvalents: agissent sur une famille d’espèce, ou sur les espèces présentes géographiquement dans la même zone

Il faut noter aussi que les sérums peuvent être sous forme liquide (mais se conservent au froid sur un temps limité), ou lyophilisé qui se conservent à température ambiante sur une durée bien plus longue: l’avenir sera au lyophilisé.

Un stock menacé?

La pénurie guette bien des hôpitaux… certains laboratoires ayant même arrêté la fabrication de certains anti-venins ce qui engendre un gros risque sanitaire pour les années à venir. Le coût particulièrement élevé des doses ferme l’accessibilité aux soins dans les zones les plus pauvres de la planète. Des ONG ont d’ailleurs informé sur la crise possible d’un manque de sérums. Et si ces derniers se raréfient, le prix risque d’exploser.damien lecouvey herpetologue

Quel avenir?

Un anti-venin à spectre large pourrait peut-être voir le jour. Des laboratoires se consacrent à plein temps à la recherche et à l’optimisation des sérums anti-venimeux. Une réduction du coût de fabrication ne sera possible qu’avec une modernisation du processus de fabrication, et l’appui des pouvoirs publics quant au financement des recherches.

damien lecouvey herpetologue

Complexes, variés dans leur mode d’action, les venins sont polypeptidiques: chaque peptide engendre une action du venin. Les enzymes composant le venin vont avoir des effets variés sur le corps humain: dégradation sur les composés chimiques, dégradation de la cellule etc. Le but de l’anti-venin est d’agir sur les toxines et de les capter pour les neutraliser. De fabrication longue, les hôpitaux ont tendance à voir les stocks se réduire. Il paraît donc vital de changer le processus d’élaboration voire une action de plus en plus polyvalente sur les toxines.